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L’immobilier au Sénégal : une hausse des prix systématique.

La hausse des prix de l’immobilier au Sénégal inquiète plus d’un. La spéculation foncière et la rareté des sols à Dakar sont les causes les plus souvent citées par les experts et les profanes. D’aucuns estiment que les particuliers dans leur quête effrénée du gain sont la cause principale de la hausse des prix. Certes, des spéculateurs existent, mais leur imputer l’entière responsabilité serait une analyse réductrice  qui laisserait des pans du problème inexplorés. 

Un des phénomènes très peu abordé est la nature inflationnaire des transactions immobilières au Sénégal. Aujourd’hui, même si l’Etat prohibait la réalisation d’une plus-value sur les transactions immobilières et que l’on éliminait tous les spéculateurs immobiliers, le Sénégal connaîtrait quand même une hausse vertigineuse des prix de l’immobilier du fait du caractère inflationnaire des transactions immobilières. En d’autres termes, les frais transactionnels sont aussi des facteurs explicatifs de la hausse des prix. 

Dans cet article, nous explorons ces frais transactionnels et apportons quelques suggestions pour améliorer cette situation qui pourrait porter préjudice aux générations à venir. 

 

Des frais de transactions inflationnaires

Pour analyser la nature inflationnaire des transactions immobilières au Sénégal, prenons le cas de Aida Dramé, une jeune cadre qui décide d’acheter un terrain à Golf Sud pour un montant de 33 millions FCFA. Parce qu’il s’agit d’un bail, Aida doit impérativement passer par le notaire. Pour formaliser cette transaction, Aida paie 2 millions FCFA HT à l’Etat du Sénégal et 1,3 millions FCFA HT au notaire. Elle totalise des frais d’environ 3,5 millions FCFA TTC, soit 10,77% du prix du terrain.

Supposons que Aida décide de financer son acquisition avec un prêt hypothécaire, là aussi, elle passe obligatoirement par le notaire. EIle a à sa charge des frais de transaction additionnels liés à la prise d’hypothèque en plus des frais bancaires. Aida souscrit ainsi à un prêt de 38 millions FCFA pour pouvoir couvrir tous les frais. Cette fois-ci, elle paie 400.000 FCFA HT à l’Etat du Sénégal et 900.000 FCFA HT au notaire, soit environ 1,5 millions FCFA TTC. Il faut aussi compter les frais d’ouverture de dossier de crédit d’environ 380.000 FCFA. 

Aida est enfin propriétaire. Le coût de revient du terrain est d’environ 38 millions FCFA TTC. Notez le phénomène intriguant causé par le transfert de propriété: la valeur du terrain est artificiellement gonflé passant de 33 millions FCFA à 38 millions FCFA, soit une augmentation de 15 % sur le prix réclamé par le vendeur. Si demain, Aida éprouvait le besoin de revendre son terrain, elle ne pourrait le vendre à moins de 38 millions FCFA (sans compter les intérêts bancaires accrues à date). Pourtant, Aida n’est pas dans une logique spéculative et ne réalisera pas de bénéfices sur cette transaction si elle réclamait 38 millions à un acheteur. Tout simplement, la nature inflationnaire des transactions immobilières favorise une croissance accélérée des prix de l’immobilier au Sénégal. 

Imaginez l’effet pervers de ce phénomène à l’échelle de toutes les transactions immobilières du Sénégal. Cet effet est amplifié par l’asymétrie de l’information sur le marché. Les voisins de Aida Dramé pensent naturellement que leur terrain vaut aussi 38 millions FCFA, puisque Aida a pu trouver un acheteur à ce prix.

 

Ventilation des frais des transactions immobilières

Le graphe ci-dessous illustre la ventilation des frais liés à une transaction immobilière au Sénégal. Les frais sont composés de taxes reversées à l’État, d’honoraires des notaires et de certains frais bancaires. 

Les taxes de l’Etat

Il faut noter que la majeure partie de la valeur d’un terrain est créée par l’État à travers l’aménagement de routes, la mise en place d’infrastructures de santé et d’éducation, la mise à disposition de transports publics etc. Donc, 7% à l’État en sus des taxes de plus-value imputées au vendeur est relativement justifiable, même si ce n’est pas cohérent avec l’objectif général de rendre le logement abordable au Sénégal.

Apparemment la nouvelle loi des finances prévoit un rabais de ces droits pour les promoteurs immobiliers. Cette loi devrait peut être être à élargie aux particuliers sachant que l’auto construction représente 80% des logements au Sénégal. 

Les frais bancaires

Par contre, les frais d’ouverture de dossier à 1% du montant du prêt imposé par les banques est difficilement justifiable. Pour rappel, des frais opérationnels sont déjà inclus dans les taux d’intérêts bancaires. Dans une logique de cohérence à la politique de logement, l’Etat devrait se pencher sur ces sujets. 

Les frais des notaires

Le notaire est le tiers de confiance qui permet de sécuriser toutes les transactions immobilières. Mais même quand il s’agit de notre santé, nous voulons nous assurer que nous payons le juste prix, donc les frais du notaire ne sauront être épargnés de l’exercice critique présent. Afin d’avoir un peu plus de perspective sur les honoraires des notaires, comparons la rémunération des notaires français à celle des notaires sénégalais. Nous utiliserons de nouveau l’exemple de Aida Dramé qui achète un terrain au Sénégal à 33 000 000 FCFA.

 

France

Tranche d’assiette (FCFA) Montant Taux applicable Emoluments Proportionnels
De 0 à 4 257 000 4 257 000 3,95% 167 939
De 4 257 000 à 11.135.000 6 878 000 1,63% 111 905
De 11 135 000 à 39 300 000  21 865 000 1,09% 237 235
Plus de 39 300 000 0 0,81% 0
517 079

Sénégal

Tranche d’assiette (FCFA) Montant Taux applicable Emoluments Proportionnels
De 0 à 20 000 000 20 000 000 4,50% 900 000
De 20.000.000 à 80.000.000 13 000 000 3% 390 000
De 80.000.000 à 300.000.000 0 1,50% 0
Plus de 300 000 000 0 0,75% 0
1 290 000

 

Pour la même transaction, Aida Dramé aurait payé 517 079 FCFA HT en France soit  2,5 fois moins cher qu’au Sénégal. Et ce multiple varierait à la hausse si le montant de la transaction venait à augmenter. Nous sommes assez sceptiques à l’idée selon laquelle l’effort consenti par un notaire sénégalais pour sécuriser une transaction immobilière soit 2,5 fois plus importante que celui du notaire français. 

Des suggestions pour améliorer la situation

Une exemption fiscale pour les non investisseurs non spéculateurs

L’immobilier est une classe d’actif particulière attirant des intérêts divers allant de la spéculation à la recherche d’un toit, qui est un besoin basique. Il est important que l’Etat prenne cette considération en compte en mettant en place des politiques fiscales. L’autoconstruction représente la majorité de la production immobilière au Sénégal. Limiter les mesures fiscales aux promoteurs immobiliers ne saurait accomplir l’intention de faciliter l’accès au logement au Senegalais. Il faut trouver des moyens d’alléger les charges fiscales des personnes à la recherche d’un toit. 

L’élargissement du rôle des notaires

Comme mentionné plus haut, le rôle du notaire est primordial pour garantir la transparence des transactions immobilières. A ce jour au Sénégal seules les transactions sur les titres foncier et les baux sont obligées de passer par devant un notaire. Alors que beaucoup de transactions immobilières sont faites sur des terrains du domaine national. Ces transactions sont souvent à l’origine des litiges fonciers qui ruinent l’investissement de tant de braves sénégalais. Il est évident que les collectivités locales n’ont ni l’expertise ni les moyens de gérer ces transactions.  En élargissant l’intervention du notaire à tous types de transactions immobilière il sera plus aisé de réduire les frais des notaires sans pour autant les leser. Par le même biais toutes les transactions immobilières seraient sécurisées.

Augmentation du nombre d’offices notariaux

Naturellement l’élargissement du rôle du notaire doit être accompagné par l’augmentation des offices notariaux. Le Senegal ne compte que 50 offices notariaux (http://seninfogreffe.com/) pour les 15,8 millions d’habitants (Banque Mondiale), soit 1 notaire pour 317.000 habitants. A titre comparatif, en France, pour une population de 67 millions d’habitants (INSEE, Janvier 2020), il existe plus de 6580 offices notariaux (notaires.fr), soit 1 notaire pour 10 180 habitants. Il y a 30 fois plus de notaires par habitant en France qu’au Sénégal. Ce serait par ailleurs une occasion pour créer et accélérer la formalisation de notre économie.

En conclusion, au- delà de la spéculation dont fait l’objet l’immobilier il est important de noter qu’il y a des réalités fondamentales qui exacerbent le problème du logement au Sénégal. Il est nécessaire que tout le monde participe à la résolution si nous voulons prospérer en tant que nation solidaire. Que se soit l’État, les notaires ou les banques, il est primordial de réduire les coûts transactionnels de l’immobilier.

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